FMJ Mtl21e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE- B
Frère Antoine-Emmanuel
Jo 24, 1-2a. 15-17.18b ; Ps 33 ; Ép 5, 21-32 ; Jn 6, 60-69
23 août 2009
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

« Tu as les Paroles de la Vie éternelle »

À la synagogue de Capharnaüm,
devant une foule ahurie,
Jésus vient de parler de « manger ma chair »
de « boire mon sang » (Jn 6,54),
nous révélant ainsi que cela est indispensable
pour être vraiment vivant.

« Cette parole est dure » (v. 60)
se disent beaucoup de disciples :
dure à accueillir et difficile à admettre.
« Ce qu’il dit là est intolérable ! »

Et pourtant, quelques versets plus loin
Pierre dira à Jésus :
« Tu as les paroles de la vie éternelle ! » (v. 68)

Les mêmes paroles pour les uns sont intolérables
et pour d’autres elles sont des paroles qui donnent Vie !
Comment est-ce possible ?
Mieux, comment Pierre a-t-il découvert
que les paroles de Jésus,
intolérables pour l’homme charnel, l’homme « nature »,
sont en réalité des paroles de Vie ?

*

La réponse, Jésus nous la donne Lui-même en ces termes :
« mes paroles sont esprit et sont vie » (v. 63).
Elles sont esprit : elles sont souffle,
elles ne peuvent être enfermées
dans ce que nous maîtrisons,
dans ce que nous contrôlons.
Ce sont toujours des Paroles
qui nous échappent,
qui nous dépassent.
Quel paradoxe ! Pour accueillir la Parole de Dieu
il faut accepter de perdre pied, de ne pas la saisir,
mais de nous laisser saisir.
De même que Jésus dira
que le Père cherche de vrais adorateurs
qui adorent en esprit et en vérité (Jn 4, 23),
de même pour la Parole :
ce n’est pas nous qui la saisissons,
c’est elle qui nous saisit.

Si, comme je vous l’avais proposé
pour le temps des vacances vous avez fait lectio
avec l’Évangile de Marc,
peut-être en aurez-vous fait l’expérience :
vous ne pouvez pas saisir la personne de Jésus,
mais Lui vous a sans doute saisi !

« Mes paroles sont vie ».
Les paroles de Jésus sont Vie.
Non seulement la Parole de Jésus nous saisit,
mais elle dépose en nous une vie nouvelle ;
chaque mot est une étincelle de vie éternelle.
Plus nous nous nourrissons de la Parole,
plus le Feu prend dans notre cœur.

*

C’est pour cela que beaucoup de disciples s’en vont.
Ils sentent bien que s’ils consentent à la Parole,
ils vont être envahis par une vie qui les débordera.

Ils ont peur d’être aimés
et donc de devoir se jeter dans l’Amour.
Ils ont peur de vivre vraiment, de vivre pleinement.

Alors, beaucoup de ces disciples
s’en vont en arrière (cf. Jn 6,66),
c’est-à-dire font marche arrière.

Prenons le temps pour regarder
dans notre vie s’il n’y a pas de ces moments
où nous avons ainsi fait marche arrière.
Avec nombre de prétextes.
Mais la vraie raison n’était-elle pas
que nous avions peur d’accepter l’Amour gratuit de Dieu ?

Et Pierre ?
Comment Pierre, au nom des Douze, peut-il dire :
« Seigneur, à qui irions-nous,
Tu as les paroles de vie éternelle ? » (v. 68)

Comment Pierre, à ce moment-là,
ne fait pas marche arrière
mais dit OUI à la Parole qui est esprit et vie.

L’Évangile ne nous dit pas
que Pierre ait tout compris,
mais il fait confiance,
il fait confiance à la Parole de Jésus.

D’où cela lui vient-il ?
Jésus nous le fait comprendre très clairement :
« Nul ne peut venir à moi
si cela ne lui est donné par le Père » (Jn 6,65).

Auparavant, dans le même échange,
Jésus avait même expliqué comment s’y prend le Père
pour nous mener à Jésus :
« Nul ne peut venir à moi
si le Père qui m’a envoyé ne le tire » (v. 44).

Le Père nous tire vers Jésus.
Un geste d’amour merveilleux !
Le Père, insensiblement le plus souvent,
se fait proche de nous
et Il nous tire de nos tristesses, de nos petitesses
pour nous faire découvrir le cœur immense de son Fils !

*

C’est ce qui est arrivé à l’apôtre Paul.
Il raconte aux Galates comment le Père
a daigné révéler en moi son Fils (Ga 1,16).

Alors Paul a compris ce qui s’était passé
sur cette fameuse croix plantée sur le Calvaire.
Il a « compris » ? Non !
Il s’est laissé saisir…
et il a lu la Parole de la Croix (1 Co 1,18).
Il y a lu l’amour bouleversant de Jésus
dont il nous parle aujourd’hui
dans la lettre aux Éphésiens.
Le Christ a aimé l’Église (Ép 5,25).

Mais que veut dire « aimer » ?
Il s’est livré pour l’Église.
Il s’est livré pour elle afin de la rendre sainte
par la grâce du baptême.
Car l’Église, il voulait se la présenter à Lui-même
toute resplendissante,
sans tâche,
sans ride,
mais sainte et immaculée (cf. Ép 5, 25-27).

Frères et sœurs, quel grand désir, quel « eros » !
Jésus nous désire – chacun et ensemble –
resplendissants, saints, immaculés
et pour cela Il se livre jusqu’à mourir
sur la croix des blasphémateurs.

Son amour est tenu pour un blasphème.
Quel paradoxe !
C’est que cet amour dépasse
tout ce que nous appelons amour.
C’est aussi que cet amour
est ce dont notre âme a soif
mais dont elle a peur aussi,
et la peur étouffe, brime, notre vraie soif.

Quel Amour !
Si nous savions combien Jésus
prend soin de nous (cf. Ép 5,29) !
Il prend soin de l’Épouse qui est l’Église.
Et l’Église ne cesse pas de se convertir,
c’est-à-dire de se soumettre à l’Amour,
de faire confiance à l’Amour !
De consentir à un Amour infiniment gratuit.
Le Christ et l’Église… quel échange d’Amour !

Ceux qui, parmi nous, êtes mariés,
vous avez comme mission
de nous faire percevoir cet Amour-là !
Vous êtes des missionnaires
extrêmement nécessaires aujourd’hui.
Ne lâchez pas !
Au contraire, vivez ce que Paul
nous rappelle aujourd’hui !
Et nous tous, en ce dimanche,
re-choisissons d’aimer,
de prendre le risque de l’Amour.

*

Comme jadis au temps de Josué,
le Seigneur nous a convoqués et Josué nous dit :
« S’il ne vous plaît pas de choisir le Seigneur »,
s’il ne vous plaît pas de vous laisser aimer par Dieu,
choisissez aujourd’hui (cf. Jos 24,15)
quelle autre divinité vous voulez servir.

Et comme le peuple de Sichem,
nous répondons : « Plutôt mourir
que d’abandonner le Seigneur
pour servir d’autre dieux » (2v. 16).

Oui, Seigneur, nous ne voulons pas
devenir esclaves de toutes sortes de divinités
qui ne nous aiment pas.
Et même : nous ne voulons pas
devenir esclaves de nous-mêmes
quand nous ne nous aimons pas ;
nous voulons ensemble plonger dans ton Amour.
Nous voulons nous immerger
dans le mystère de ton Eucharistie.

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