FMJ Mtl5e DIMANCHE DE CARÊME – A
Frère Antoine-Emmanuel
Éz 37, 12-14 ; Ps 129 ; Rm 8, 8-11 ; Jn 11, 1-45
10 avril 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Un clic irréversible et éternel

Jésus voit Marie pleurer
et les Juifs qui viennent avec elle pleurer ;
(Alors) Jésus frémit en son esprit, se trouble, et dit :
« ‘Où l’avez-vous mis ?’ »
Ils lui disent : ‘ Viens et vois’. »
(Alors) Jésus fond en larmes. (Jn 11, 33-34)

Au milieu de ceux qui pleurent, avec ceux qui pleurent,
Jésus pleure.
Avec tous ceux qui pleurent un être cher, Jésus pleure.
Devant le Collège Dawson couvert de bouquets de fleurs
et de messages poignants,
à Port-au-Prince, au Japon, en Côte d’Ivoire…
Jésus est là et pleure avec ceux qui pleurent.

C’est la sym-pathie de Jésus,
Sa compassion,
quand nous sommes en face de ce départ irréversible,
de ce silence définitif qu’est la mort.

Mais Jésus ne s’arrête pas là.
« Allons vers lui ! » avait-il dit aux apôtres (v. 15).
Allons vers Lazare mort !
Jésus va vers les morts,
Il va les rencontrer dans leur mort.

Pourquoi cela ?
Par amour.
Pour prendre une image de notre temps,
le Seigneur a cliqué « J’aime ».
Non pas sur un exploit que nous avons posté sur le web,
mais sur notre profil tout entier,
notre profil réel, notre existence, notre personne.

Et le ‘clic’ de Dieu – son « J’aime » – est irréversible et éternel !
Le « J’aime » de Dieu pour nous va jusqu’à la mort.
C’est-à-dire que son amour va jusqu’à mourir d’amour sur la croix,
mais cela veut dire aussi que son amour va jusqu’à notre mort,
jusqu’à nous aimer dans notre mort.
Et nous aimer dans notre mort, c’est nous ressusciter !

*

Il y a dans l’Évangile de ce dimanche un verset
d’une profondeur incroyable :
Jésus ne dit pas « Je ressuscite les mort »,
Il dit : « Je suis la Résurrection et la Vie » (v. 25).
Le mot grec – αυαστασις – signifie le relèvement :
« Je suis le relèvement ».
C’est son être.
Ce n’est pas seulement ce que fait Jésus,
c’est ce qu’il est.
Parce qu’il ne cesse pas de mourir d’amour vers le Père
et de se recevoir de l’Amour du Père,
Le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu, est en Sa personne résurrection.
Il n’est pas un sauveteur
qui va peut-être rater son coup quand tu seras dans la mort.
Il est en personne résurrection.
Cela se voit dans la création :
Tout a été créé « par Lui » et par conséquent,
il y a dans la nature de continuelles victoires de la vie sur la mort.
Il suffit de regarder les crocus (perce-neige)
dans nos jardins ces jours-ci :
le Printemps qui triomphe sur l’hiver.

*

Oui, le péché a brisé cette victoire de la vie en nous
et nous a emportés sur une voie sans issue :
vers les abîmes de la mort éternelle.
Mais le Fils de Dieu qui est la Résurrection
est venu et vient et viendra vers nous dans la mort
pour nous donner ce qu’Il est :
La Résurrection et la Vie.

Dans le grand organisme qu’est l’humanité,
les cellules souches qui régénèrent ce qui est mort :
c’est le Christ !

Si nous croyons en Lui,
aussi morts que nous puissions être,
c’est la vie qui va rentrer dans toutes les fibres de notre corps
et nous remettre debout.

*

C’est ce qui se passe à la tombe de l’ami Lazare à Béthanie.
Jésus est venu pour le libérer de la mort.
Et comment Jésus a-t-il ressuscité Lazare ?
Par sa parole : « Lazare, viens dehors ! » (v. 43)
Est-ce que la voix de Jésus a résonné dans le vide ?
Non ! Le mort est sorti.
Sa mort a été vaincue par la Parole de Jésus.
Oui, Jésus est la Résurrection et la Vie.

*

Frères et sœurs, cette expérience de résurrection,
ce n’est pas seulement au jour de notre mort que nous la ferons,
c’est chaque jour :
la Parole de Jésus a la puissance aujourd’hui même
de venir nous chercher dans notre mort et de nous en délivrer.
Il y a en nous des germes de mort : c’est le péché.
Le péché c’est de la mort éternelle en nous.
Mais la Parole nous en délivre.
C’est l’expérience concrète que raconte le psalmiste :
« Seigneur, tu m’as fait remonter des enfers,
Tu m’as fait revivre
quand je tombais dans la fosse » (Ps 29(30), 4).

Quand dans le sacrement du pardon
vous entendrez le prêtre vous dire :
« Et moi au nom du Père je te pardonne tous tes péchés »,
ce sera Parole de Dieu : ce sera Dieu Lui-même qui nous délivrera.

*

Nous avons un besoin immense de la Parole de Dieu.
L’homme a besoin de Parole.
C’est pour cela que beaucoup vivent avec la radio ou la télévision allumées.
Mais c’est un leurre.
Seule la Parole de Dieu répond au désir le plus profond de notre être.

Le psaume de ce dimanche nous a fait prier :
« Je t’espère et j’attends ta Parole » (cf. Ps 129,4)
Parce que ta Parole a la capacité de nous ranimer :
Ta Parole est un véritable bouche-à-bouche qui nous sauve.

*

J’ouvre ici une parenthèse.
Quelle différence entre ce cri : « Seigneur j’attends ta Parole »
et le premier cri d’Israël au Sinaï :
« que Dieu ne nous parle pas, ce serait notre mort » (Ex 20,19) ?

Il a fallu tout un chemin, toute une pédagogie
pour que le peuple comprenne que la Parole de Dieu
n’est pas une menace pour notre vie,
mais qu’elle est ce qui nous fait vivre !

Or, qu’est-ce qui se passe dans notre société occidentale ?
Nous avons mis l’Évangile de côté !
Et par conséquent Dieu est perçu comme une menace.

Pour beaucoup de citoyens,
Dieu est une menace pour la raison.
Dieu est une menace pour le plaisir.
Dieu est une menace pour la liberté.
Dieu est une menace pour la paix.

C’est pour cela que lors du Parvis des Gentils à Paris
Benoît XVI a récemment eu ces mots
à l’intention des jeunes non-croyants :
« La question de Dieu n’est pas un danger pour la société,
elle ne met pas en péril la vie humaine ! »
Voir Dieu comme une menace,
c’est un grand virus de notre temps.

Alors il nous faut regarder dans quelle mesure pour nous
Dieu est une « menace ».
Là se trouve notre tombeau
avec la lourde pierre du mensonge sur Dieu.

Aujourd’hui, Jésus dit à l’Église : « Enlevez cette pierre ! »,
même si ça sent mauvais…
Et la Parole de Jésus retentit dans tout notre être :
« Lazare (et nous pouvons mettre ici notre prénom) viens dehors,
viens vers Moi, viens à la Lumière ! »
Regarde le Visage de Jésus dans l’Église d’aujourd’hui ;
Il te dit que Dieu n’est pas une menace pour ta vie.
Il est la joie de ta vie…
Il est à l’Origine de ta vie.
Il te fait vivre.
Sans Lui, tu ne vivrais pas.

*

Frères et sœurs, au jour de notre mort,
nos paroles, nos cris, nos discours ne nous sauveront pas,
mais nous entendrons une voix qui nous dira : « Viens dehors ».
Si nous croyons, nous découvrirons un « dehors » tout nouveau.
Le « dehors » de la vie éternelle.
Nous serons déliés de tout ce qui nous empêche d’aimer
et on nous laissera aller.
Nous nous laisserons aller :
nous donnerons tout à Dieu dans une gratitude folle,
nous donnerons tout aux autres dans la joie de l’amour.
Et Dieu nous comblera en tout,
nous faisant vivre un éternel Printemps

*

Pour tout cela, il y a un prix à payer.
Dans les œuvres de Dieu, il n’y a pas de magie.
Si nous sommes sauvés,
si notre mort est déjà vaincue,
c’est parce que le prix a été payé.
C’est cela que nous allons contempler et goûter
à travers la Semaine Sainte.
Il m’a aimé et S’est livré pour moi (Ga 2,20).
Amen.

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