FMJ MtlJeudi, 7e Semaine du Temps ordinaire – C
Frère Thomas
Si 5, 1-8 ; Ps 1 ; Mc 9, 41-50
23 mai 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Un collier fait de quatre perles

Le passage d’Évangile que nous venons d’entendre
est comme un collier.
Un collier fait de quatre perles :
ce sont des péricopes, diverses paroles de Jésus
qui ont été placées les unes à la suite des autres
par l’évangéliste Saint Marc.
Il y en a quatre, avec un mot
comme pour caractériser chacune de ces paroles.
Le verre d’eau, le scandale, le feu, et le sel.
Cependant chacune de ces paroles a un crochet
qui l’attache à celle qui la suit immédiatement.
Entre le verre d’eau et le scandale,
il y a le petit qui croit en Jésus.
Entre le scandale et le feu,
il y a le verbe couper.
Puis entre le feu et le sel,
il y a la force et la paix.

Au début du collier, nous partons de la bonté
(donner un verre d’eau),
puis nous passons par le combat spirituel
(couper la main, le pied…)
et finalement nous arrivons à la paix.
C’est comme le rosaire :
avec les mystères joyeux, les mystères lumineux,
les mystères douloureux et les mystères glorieux.
Mais pas de paix véritable,
pas de gloire véritable, sans combat.
Je vous propose alors d’égrener les perles de notre collier
comme on égrène les grains d’un chapelet.

Première perle, le verre d’eau.
Jésus nous invite à savoir accueillir le bien que l’on nous fait
parce que nous sommes à Lui.
Il nous invite aussi à faire nous aussi du bien aux petits
qui Lui appartiennent.
Qui sont donc ces petits qui appartiennent au Christ ?
Est-ce que ce sont les baptisés, les membres de notre Église ?
Non, ce sont plutôt tous les petits,
les pauvres, avec lesquels Jésus s’identifie.
« J’ai eu faim, vous m’avez donné à manger.
J’ai eu soif, vous m’avez donné à boire (…). (Mt 25,35)
Chaque fois que vous l’avez fait
à l’un de ces petits qui sont mes frères,
c’est à Moi que vous l’avez fait » (v. 45).

Souvent l’Église parle ainsi du « sacrement du pauvre ».
Leur donner un verre d’eau,
c’est donner un verre d’eau au Christ.
Et nous-même sommes des petits,
des pauvres du Christ – si nous le voulons bien – :
Si on nous donne un verre d’eau,
on donne un verre d’eau au Christ.

Deuxième perle : le scandale.
Si donc nous pouvons – et devons –
donner des verres d’eau aux petits,
nous pouvons aussi les scandaliser, les faire tomber.
Ou nous-mêmes pouvons être les victimes d’un scandale.
Ces scandales… ce sont la violence, le vol, la tromperie,
l’infidélité, l’abus de la personne, l’impureté.

Jésus nous appelle de façon pressante
à nous désolidariser rapidement de tous ces scandales.
Il emploie des images fortes :
attacher une meule au cou et faire tomber dans la mer,
couper la main, le pied, arracher l’œil.
Pourquoi autant de radicalité ?
Parce que tous ces scandales sont d’abord conçus dans la tête,
ils prennent corps à travers nos membres,
puis ils entrent dans nos cœurs.

Le livre de Ben Sirac nous donne des exemples de pensées
qui peuvent conduire à ces scandales :
« Mes richesses me suffisent ». (Si 5,1)
« Je suis le plus fort ». (v. 3)
« J’ai péché, et rien ne m’est arrivé. » (v. 4)
Aujourd’hui la pensée : « Tout le monde fait cela »
est redoutable pour nous faire concevoir un scandale.
Et au début de la Genèse,
Adam et Ève ont fait leur la pensée du diable :
« Dieu sait que si vous mangez du fruit défendu,
vous deviendrez comme des dieux » (cf. Gn 3,56).
C’est difficiles pour nous de résister à une pensée,
nous qui avons été formés par le cartésianisme.
En effet le philosophe Descartes
a profondément marqué la culture de l’Occident
par sa célèbre formule : « Je pense donc je suis. »
Il faut donc que je mette ma pensée en œuvre
pour que je sois quelqu’un !

C’est par notre corps
que Jésus nous exhorte à vaincre toutes ces mauvaises pensées.
Le christianisme est une religion du corps :
c’est la religion de l’incarnation.
Si j’ai l’idée – la tentation –
de dérober un article dans les rayons d’un magasin :
le fait de détourner ma main,
de l’occuper à une saine occupation
m’évitera de commettre un vol.

Si j’ai l’idée de regarder des images sensuelles,
à la télé, sur internet, ou ailleurs,
le fait de porter mon regard ailleurs –
par exemple sur une image de Jésus –
m’évitera de jeter mon corps dans l’impureté.

Si j’ai l’idée de manquer de respect envers mon prochain,
par la parole ou par action ;
le fait de porter mes pieds ailleurs qu’en sa présence
– en attendant que ma colère passe –
m’évitera d’être violent.

Si nous passons à l’acte pour commettre un scandale,
alors ce scandale finit par entrer dans notre cœur,
et avec lui un esprit mauvais, qui ne vient pas de Dieu.
Sainte Bernadette disait :
« le premier mouvement ne m’appartient pas,
le deuxième mouvement m’appartient. »

Si une mauvaise pensée, une tentation, une pulsion, un fantasme,
viennent en notre esprit… rien de grave à cela.
Tous les saints ont connu cela.
Même Jésus a été tenté.
À nous de prendre des dispositions,
en notre corps, pour nous en sortir,
pour nous laisser guider par l’Esprit Saint.
Et si c’est trop pour nos forces,
nous pouvons toujours nous faire aider !
Nous assistons trop souvent de nos jours,
de la part de ceux qui nous dirigent – en Occident –
à une démission devant les tentations
qui assaillent les humains.
Au lieu de leur donner des moyens pour les vaincre,
ils préfèrent légiférer pour leur permettre de mettre en œuvre
leurs fantasmes les plus fous au détriment des petits, des faibles :
et ensuite ils appellent cela le progrès.

Troisième perle : le feu.
Si nous entrons par notre corps
dans la mise en œuvre d’un scandale,
un feu entre dans notre cœur.
Ce n’est pas le feu de l’Esprit Saint ;
c’est le feu d’un esprit mauvais.
Mieux vaut que notre cœur brûle du Feu de l’Amour de Dieu
que de celui de l’amour du diable.
Nous voyons combien l’enjeu est sérieux,
et c’est pour cela que le langage de Jésus est si radical !
Cela doit pouvoir nous conduire – si nécessaire –
jusqu’au martyr en notre corps.
Jésus n’a-t-il pas vécu cela sur la croix ?

Notre pape François affirme
que si nous ne confessons pas le Christ,
nous confessons le diable.
Et le P. André Manaranche, jésuite français écrivait,
il y a près de 30 ans, que si l’enfer –
la possibilité d’être définitivement coupé de l’amour de Dieu –
n’existait pas, la Passion de Jésus Christ
n’aurait été qu’une divine comédie !

Quatrième perle : le sel.
La vie chrétienne, la vie dans l’Esprit Saint…
ce n’est pas du sucre.
Ce n’est pas une mièvrerie,
ce n’est pas une cerise sur un gâteau
dont on pourrait bien se passer.
Non, c’est du sel :
c’est ce qui donne de la saveur aux aliments,
à la vie qui est la nôtre,
à l’unique vie qui est la nôtre.
Le feu de l’Esprit Saint… c’est du sel.
Mais si le sel perd sa saveur… avec quoi salera-t-on ?

Voilà donc le collier de perles :
le verre d’eau, le scandale, le feu, le sel.
Si nous égrenons ces perles,
nous partons de la générosité humanitaire bien chancelante,
et nous arrivons à la charité du Christ qui ne passera jamais.

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