FMJ MtlMercredi, 8e Semaine du Temps ordinaire – C
Frère Thomas
Si 36, 1, 4-5.10-17 ; Ps 78 ; Mc 10, 32-45
29 mai 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Une prière qui peut être exaucée

« Prends pitié de nous, Maître,
Dieu du monde entier, regarde : (…) (Si 36,1)
« Fais revivre les prophéties en ton Nom. » (14)
Cette prière, adressée par Ben Sirac le sage
pour la restauration d’Israël
nous pouvons la faire nôtre aujourd’hui
pour une nouvelle vitalité de l’Église.
Les prophéties au nom de notre Dieu
ne sont-elles pas réalisées en Jésus !
Lorsque Jésus nous dit aujourd’hui :
« Celui qui veut devenir grand
sera votre serviteur. » (Mc 10,43)
C’est là une parole d’une nouveauté radicale,
sans pareil dans le monde.
Si nous vivons cette parole,
nous devenons des prophètes dignes de foi,
pour la Nouvelle évangélisation.

La lecture du livre de Ben Sirac le sage
que la liturgie nous offre depuis la semaine dernière
prend la forme aujourd’hui d’une prière.
Une prière pour le peuple d’Israël.
« Prends pitié de nous (…)
répands la crainte de ton nom sur toutes les nations païennes.
Qu’elles te reconnaissent, comme nous-mêmes avons reconnu
qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Toi, Seigneur ! »
Renouvelle tes prodiges,
recommence à faire des merveilles ».
L’Ancien Testament – dont les divers livres
ont été rédigés entre le sixième
et le premier siècle avant Jésus-Christ –
a le mérite de ne pas cacher les faiblesses du peuple d’Israël.
Il n’en cache ni les attaques extérieures
(les persécutions, conquêtes, déportations)
ni même les faiblesses intérieures.
Combien de fois, dans la Torah,
dans les livres historiques, les prophètes ou les psaumes,
nous trouvons des reconnaissances solennelles
des péchés du peuple, de leurs infidélités !
C’est toujours là la raison profonde avancée
de leurs malheurs politiques et économiques.
Ne pourrions-nous pas relire l’affaiblissement
de la place de l’Église dans notre monde aujourd’hui
à la lumière de l’Histoire d’Israël ?
L’Église a perdu beaucoup de sa notoriété sociale dans l’Occident :
chute de la pratique religieuse,
des vocations sacerdotales et religieuses,
perte de son influence en matière politique, culturelle et morale.

L’Église ressemble de plus en plus
à ce qu’a toujours été le peuple d’Israël
au cours de son Histoire :
une minorité dans un univers souvent hostile.
Et quand nous considérons tous les chrétiens
ouvertement persécutés aujourd’hui dans tant de parties du monde,
cette comparaison a encore plus de pertinence.

L’Église a aussi à sa charge bon nombre de scandales
commis par bon nombre de ses enfants
tout au long de son Histoire.
Il y a eu toute la violence exercée au nom de la religion :
les croisades, l’Inquisition ;
les comportements immoraux de nombre de clercs et de laïcs :
le pape Jean-Paul II en a solennellement demandé pardon
au cours du jubilé de l’an 2000.
Et récemment, il y a eu la découverte de tous les abus sexuels
sur mineurs commis par bon nombre de prêtres ou religieux,
ces dernières décennies, en de nombreux pays.
Tout cela a profondément humilié l’Église.

Cela peut néanmoins – avec la grâce de l’Esprit Saint –
devenir salutaire pour elle, pour nous.
« Le sacrifice qui plaît à Dieu,
c’est un esprit brisé, dit le psaume 50,
d’un cœur brisé, broyé, tu n’as point de mépris.
Comme l’a vécu le peuple d’Israël…
pour nous aussi, Église de Jésus Christ,
de telles humiliations peuvent nous faire grandir en humilité.
« Fais revivre les prophéties faites en ton nom »
dit encore la prière de Ben Sirac le Sage.
Ces prophéties – nous le savons –
ont été accomplies en Jésus Christ
et moi, chrétien, qu’est-ce que j’en fais ?
Voilà que Jésus monte à Jérusalem.
Il précède ses disciples qui sont effrayés.
Il y a un décalage entre Jésus et ses disciples.
Ils ne comprennent pas ce qu’Il leur dit.
Peut-être même que cela les révolte.
Jésus leur annonce qu’Il sera arrêté par les chefs des prêtres,
puis mis à mort par les païens.
Si une personne que j’admire me disait cela, je serais révolté.
Puis voilà que Jacques et Jean Lui demandent
de siéger à ses côtés, dans sa gloire.
Ce n’est certes pas pour maintenant,
c’est pour le Royaume à venir,
mais tout de même, la demande reste ambigüe.

Les autres disciples s’indignent d’une telle demande !
C’est alors que Jésus leur dit :
« Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous ».
Il y a une grande tentation, même dans l’Église,
c’est de vouloir faire carrière.
Le Concile Vatican II a certes remis en valeur
la vision mystique de l’Église de peuple de Dieu,
de corps du Christ, où chacun a sa place qui est unique
et qui a du prix aux yeux de Dieu.
Mais si c’est la carrière, le prestige, qui m’intéressent,
je ne serai pas habité par l’amour mais par la peur.
Je vivrai alors avec ceux qui devraient être mes frères et mes sœurs,
des rivalités, des chicanes, des jalousies.
Je cacherai mes faiblesses, pour paraître fort et saint.
Je mentirai.
Jésus nous appelle à sortir radicalement de cet esprit-là,
qui est l’esprit du monde.

Et le pape François nous met en garde contre cette mondanité :
je peux être moine, prêtre mais ne pas être chrétien.

« Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ».
Qui d’entre nous ne veut pas devenir grand
qui ne désire pas en plénitude être aimé et aimer !
Mais ne nous trompons pas dans notre façon de l’être…
que nous soyons ainsi des prophètes dignes de foi.

« Prends pitié, Seigneur, du peuple qui porte ton nom ». (Si 10,36)
L’Église de Jésus Christ a de plus en plus
l’allure d’un petit peuple, balloté de l’extérieur et de l’intérieur.
Si véritablement nous vivons de la Parole du Christ,
nous faisant avec Lui serviteurs de nos frères,
alors le Seigneur pourra exaucer
la prière de Ben Sirac en notre faveur…
alors pourra véritablement se déployer
la Nouvelle Évangélisation.

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